Quand Florian Raconte...
Le far west
au dessus du pays basque
Dimanche 30 septembre 2007
Dernière journée de liberté avant la période d’arrêt forcé.
Aussi lorsque Benoît nous annonce une possibilité de vent
de sud ouest pour le dimanche, une organisation est
rapidement mise en place pour essayer de profiter de l’onde,
dont l’arrivée marque le début de l’automne, saison qu’un
vélivole pyrénéen attend et espère un peu comme un enfant attend
noël.
Rendez vous est pris avec Pierre, Benoît, Jean Marie, Gérard et
Jean pour 8h. Pour ma part, je me lève à 6h, et suis dès 7h du
matin au terrain. Nous avons préparé la veille nos planeurs, je
n’ai plus qu’à mettre la batterie, le parachute, m’habiller et
décoller. J’appelle Jean à 7h45, pour un décollage souhaité à
8h30. En fait, j’ai un peu hésité avant d’appeler, car en dépit
du nuage de chapeau qui longe la face sud de l’Orhy et d’une
petit rotor à Arette, il n’y a pas un souffle d’air. La suite
nous montrera que je n’ai pas eu tort d’attendre une petite
demi-heure.
Pierre
arrive, et j’ai déjà appelé Jean. Je suis prêt au départ …
Pierre me photographie aligné sur la piste, encore trempée de
rosée, alors que le soleil pointe à l’est :
La verrière est pleine de buée : une des particularités de la
libelle est de pouvoir voler verrière verrouillée mais
entrouverte, ce qui me sera alors grandement utile pour
améliorer ma visibilité lors du décollage, en créant ainsi une
ventilation largement suffisante pour enlever tout trace de
vapeur d’eau en quelques secondes.
Petite vue matinale sur l’Ossau pendant le remorqué :
Je largue dans un 4m, entre le Layens et les orgues de Camplong.
J’annonce alors à la radio des bonnes conditions, mais presque
aussitôt, le vario se calme, et la montée ralentit brusquement.
En patientant, je monte lentement à 3200mm QNH, et part une
première fois à l’Ouest. Le vent est très très faible, environ
20km/h, et je ne trouve plus de belle ascendance comme au début
du vol. Benoît et Pierre me rejoignent, et nous passerons tous
les trois un long moment entre le Layens et Mauléon, à chercher
un bon vario, en nous rapprochant progressivement du pic d’Orhy.
Comme dit Benoît, c’est bien d’être à plusieurs planeurs
car il y a toujours un rat qui part renifler le terrain en
premier ! La première fois, ce sera moi qui m’y collerai, en
essayant de passer au vent d’un rotor au dessus de la crête
frontière : -4, -4, -4 et –4. Les deux autres planeurs
balisent encore la zone favorable, que je m’empresse de
rejoindre. Puis Benoît aperçoit un rotor au dessus de Larrau :
il s’y rend une première fois, sans succès, et nous rejoint.
C’est autour du janus, piloté par Pierre et Jean Marie, d’aller
jouer les éclaireurs, dans le même secteur. Ils en reviendront
en raccrochant a 1900m QNH.
Finalement, la 4ème ou 5ème tentative de rapprochement du petit
rotor de Larrau sera la bonne, avec tout d’abord un +0.5, qui se
renforcera et deviendra un bon +2.5m. Le moment tant attendu,
l’organisation du système avec un renforcement du vent, arrive
enfin. En moins d’un quart d’heure, de splendides lenticulaires
se forment juste à côté de nous, et nous passons dans le
laminaire tous les trois en même temps. Le janus spirale au vent
du premier lenticulaire :
Delta India spirale au vent du nuage, et survole les rotors :
Le vol prend à cet instant précis une dimension tout autre. Les
lenticulaires s’alignent au dessus du pays basque, ils démarrent
à Arette et semblent arriver jusqu’à la côte ! Nous partons
alors tous les trois cap à l’Ouest, en longeant le bord
d’attaque ce ces magnifiques nuages, avec toujours un vario
positif ou faiblement négatif.
Le
janus fait le choix judicieux de longer un lenticulaire plus au
sud. Benoît et moi sommes dans un ressaut secondaire, et le
nuage qui le matérialise est plus court que ceux situés au sud.
Nous effectuons alors une baïonnette vers le Sud Ouest, pour
changer de ressaut, en passant sous un nuage. L’opération coûte
cher en altitude, mais vaut largement le coup. Non seulement
nous retrouvons tout de suite une partie ascendante au vent de
ce nuage, mais en plus il va loin dans l’ouest, après Tolosa, et
presque jusqu’à Vittoria. Cela représente le km 135 à l’Ouest
d’Oloron, on va rarement aussi loin dans cette direction.
En volant le long de ces nuages, on parcours facilement de la
distance, mais en plus on gagne de l’altitude. Les lentilles
étant empilées l’une au dessus de l’autre, chaque fois que l’on
arrive au dessus la première on se retrouve dans une sorte de
tunnel, la base de ces nuages étant légèrement bombée :
C’est sensationnel : si le vent n’est pas le plus fort que nous
ayons connu, il met en revanche en place des conditions
absolument superbes. Les planeurs de St Gaudens sont également
de la partie. Eux aussi ont eu un accrochage long, mais ils
approchent du pays basque et accélèrent leur allure.
Plus haut, et plus rapide, Pierre a fait demi tour et prit un
cap Est. En revenant sur nos pas, nous retrouvons à
nouveau un vent plus faible et un système moins bien organisé :
Même si de belles matérialisations ornent le parcours, il
y a toutefois des pièges à éviter, et je tombe dans l’un d’eux,
dans le secteur d’Arette. Je passe ici un petit moment à
remonter, tandis que Pierre et Benoît poursuivent jusqu’à
Cauterets. Nous entendons Michel, qui a décollé dans le
pégase GI, et qui essaye d’accrocher, sans succès hélas. Courage
Michel, on y arrive.
Cette petite descente, et surtout la remontée peu rapide, sera
pour moi l’occasion de me réchauffer un peu dans des
températures moins froides (il paraît que dans le janus les
ailes tremblaient à cause du grelottement des pilotes !), et
aussi de régler un petit problème physiologique qui m’aurait mis
mal à l’aise pour le reste du vol. J’entends Pierre parler de
lenticulaires farceurs à l’Est, alors je décide de repartir pour
un tour vers l’Ouest, dès que je serai à nouveau haut.
Pas de problème, le cheminement est toujours excellent :
En revanche, le système se décale vers le Nord et ferait
survoler Biarritz et San Sebastian si on suivait le bord
d’attaque de ces nuages. C’est pourquoi cette fois ci, nous
ferons demi tour au km 95, dans le secteur de Sant Esteban. Jean
Hervé a décollé en DG 505 depuis Itxassou et nous saluera à ce
moment. Aucun inquiétude pour revenir à l’Est, encore de belles
formations lenticulaires et des ressauts bien marqués :
Jusqu’où s’étend le système aujourd’hui ? probablement jusqu’aux
pics d’Europe …
Je finirai le vol en allant faire mon arrivée à l’Est, entre
Cauterets et Argeles. Je n’ai plus d’oxygène … et la situation
se désorganise :
Aujourd’hui, j’ai parcouru 483 km. Pierre a fait 607, Benoit
sans doute pas loin de 600 aussi, et Robert Prat … 909 km !!!
Vraiment une belle journée.