A Campolara, chaque année on a
des passagers clandestins. Nos fidèles lecteurs connaissent la
mascotte de Campolara, un reptile de
taille honorable qui a donné lieu à un récit
mémorable il y a quelques années.
L'histoire du jour se termine mieux pour le clandestin.
En fait, le vol se déroulait plutôt bien.
Un point de virage à Soria, et une branche avec des plafonds
très élevés, du grand Campolara comme on aimerait
en voir plus souvent. Enfin, ça c'est mon point de vue.
Sous mes fesses, c'était différent. Monté le long
du train nuitamment, se nourrissant de graines, herbes et miettes de
petits gâteaux, le mulot trouvait la vie sympa, jusqu'au
décollage où la poussière et les soubresauts lui
ont fait changer d'avis. Fuyant un courant d'air violent, il s'est
réfugié dans un recoin, attendant la fin de ce qui
ressemblait furieusement à un orage, sans pluie. Lorsque la
situation fut plus calme, il constata que la nuit était
précoce, et surtout que la sortie était obstruée.
Boâââ pensa-t-il, Il y a de quoi bouffer, on verra
bien. Il commença a déchanter après quelques
heures, lorsque le température commença à vraiment
chuter voire devenir négative. Il se dit que vers la
lumière, il ferait peut-être plus chaud.
Effectivement, à 4800 mètres même en juillet en
Castille, il fait froid, et il vaut mieux voyager au poste de pilotage
qu'en soute. C'est ainsi que je sentis une morsure sur mon index
gauche, qui traînait immobile non loin du compensateur. Bin oui,
sur le pégase, il n'y a pas de volets à manipuler, on se
contente du compensateur. Je jette un oeil, et je vois le mulot se
balader sur ma main gauche. Pas eu le temps de le coincer, il
était déjà sur les palonniers, à me
narguer. Une tentative de mise en apesanteur se soldant par un vol de
cartes, crayon, gâteaux secs et autres babioles non
attachées, on décide une trêve, à 4500
mètres, d'autant que le pégase n'est pas autorisé
voltige et que les turbulences volontaires ont fait filer le reste du
paquet de gâteaux secs vers les palonniers au plus grand profit
du clandestin. Pour récupérer le paquet, galère.
Après une rapide ré-évaluation de la situation,
décision de poursuivre le vol est prise, non sans informer le
clandestin que le seul maître à bord après Dieu a
rendu sa sentence : le planeur étant certifié monoplace,
le clandestin doit évacuer au plus vite les lieux. C'est donc la
condamnation à mort par défenestration. (j'en connais au
moins un qui aurait sorti les AF et un tournevis ou un couteau et/ou
demandé une priorité absolue à l'attero, mais bon,
un mulot, c'est pas un frelon). A partir de ce moment là, le
bestiau ne décolle évidemment plus des palonniers,
passant de gauche à droite et de droite à gauche en me
chatouillant les jambes, et prenant bien garde à ne pas passer
entre les chaussures et les palonniers, ce qui semblerait indiquer que
si le froid et l'hypoxie engourdissent les petits rongeurs, il ne
semble pas affecter leur instinct de survie outre mesure.
Évidemment, à la descente ça se réchauffe,
la pression partielle d'oxygène augmente, et les rotations
palonnier gauche palonnier droit s'accélèrent, via les
chaussettes.
Lors de la sortie du train, le bestiau était toujours à
bord. Après, je n'en sais rien. La sentence se serait
exécutée sans autre manip que la sortie du train, ou le
clandestin ayant compris que finalement y avait d'autres endroits plus
calmes pour nicher, et a attendu la nuit pour aller voir ailleurs...
toujours est¬-il que le lendemain, je n'ai pas vu de mulot à
bord.